Cette recherche est décrite par les deux vers suivants : Et son désir aussi, son besoin de boire L’éloignement du père a une expression imagée : « le détache de cette rive. Mais l’œuvre ne s’est véritablement ouverte au lecteur que j’étais qu’en confrontant le roman avec les problématiques philosophiques liées aux thèmes mis en roman par Queneau. [1] C’est cet aspect autobiographique qui légitime notre enquête. Plutôt ai-je poussé un cri d’amour (poème III). Strophe I : « Et je pourrais / Tout à l’heure... ». Mais nous n’avons pas le sentiment d’avoir forcé la serrure. au dernier vers, le désir est frustré. Dans le poème, le fait que l’enfant ne se rappelle pas d’avoir un père, une mère, une maison ou même un nom représente bien le sentiment d’abandon que tout enfant peut connaître à un moment ou à un autre, et qui est même une de ses grandes peurs. La même petite salle à manger dont la fenêtre Le poète fait des phrases, structurées grammaticalement. Et dans la strophe VI, le poète fait des concessions à ces détracteurs de la poésie, en reprenant la même image de stérilité que nous avons vue à l’œuvre : l’eau monte et finit par faire disparaître la parole, dans l’oubli des mots et la mort du désir. L’enfant a reconnu dans Cérès son double dans la figure de l’espérance. » Le prosaïque nous interdit le voyage dans l’au-delà. » On note que, par ce dernier vers de la strophe, le poète dédie son poème à son père, qui prend, dès lors, une place centrale dans le recueil. La troisième figure similaire de l’embarquement est celle d’Ulysse, présente dans le premier des deux poèmes de la partie « Dans le Leurre des Mots. 97, v. 4). A un niveau implicite, cette espérance est celle de pouvoir dire les mots magiques qui permettent à un homme de devenir père, en compagnie d’une femme. Le désir de pouvoir faire des enfants, c’est alors le désir de pouvoir dire les mots de la fécondité, et seul son père peut les lui La perte de la possibilité de la paternité s’exprime par la fermeture de la vie sur elle-même : « débordant de choses fermées. » A la fin, ils se perdent dans un espace d’eau et d’étoiles. Ici, l’acte d’amour se déroule en silence (« A son silence »), parce que les mots sont impuissants à exprimer ce dont il s’agit réellement. En effet, l’enfant (est-ce encore un enfant ?) Yves Bonnefoy L'Arrière-pays. [12] Quelques remarques éparses cependant, avant de nous quitter. Enfin, pour souligner la proximité avec le surréalisme ou la psychologie, notons que le souvenir et le rêve sont traités dans cette partie quasiment sur le même plan. Par ailleurs, on sait que l’un des rôles du rêve est de compenser l’impuissance dans la vie par une surpuissance : la pièce permet donc d’interdire au passeur de délaisser l’enfant. Alors qu’il n’arrivait pas à avoir d’enfant, voici qu’il a un enfant, né certes dans l’énigme, mais de lui. Et il y a d’autres portes à ouvrir. » Il me semble que le lieu natal est à la fois celui où l’on est né, et celui où l’on donne naissance, ou, plus exactement, celui dans lequel on espère donner naissance. Couverture souple. On ne confondra pas le recueil des Planches courbes avec le poème du même nom. Entre eux et nous sont de grands fleuves et d’affreux courants [...]. Strophe IV « Aller ainsi, avec le même orient... ». Le récit que je fais de cet éloignement du père ne constitue au mieux qu’un point de départ. On peut aussi penser à l’arrivée de Dante et de Virgile aux portes du Paradis, qui est une île dans La Divine Comédie. Là, le père disparaît, non pas sur l’autre rive, mais dans « l’oubli, l’oubli avide. Vers celle qui rêva à côté de moi À son silence Yves Bonnefoy, né à Tours le 24 juin 1923 et mort à Paris le 1 er juillet 2016, est un poète, critique d'art et traducteur français.Il est considéré comme un poète majeur de la … [7] Voir, à ce sujet le parallélisme avec l’arrivée d’Ulysse au royaume des morts, évoqué dans la note 4. Dès lors, ces phrases expriment un procès, et sont donc porteuses d’une signification. L’enfant à naître est alors le « toujours-absent », à la recherche duquel il faut partir. » La seconde partie de la strophe paraît répondre de façon négative, en nous ramenant au mensonge des mots, et à cette incontournable « masse d’eau. Enfin, nous retrouvons le rêve de traversée qui se termine en naufrage, comme nous l’avions déjà vu. Les Planches courbes précédé de Ce qui fut sans lumière et de La vie errante . Mais tous ces thèmes évoqués ne font pas une seule phrase. Il invoque ces images enfouies que l’on pourrait croire nostalgiques. Le présent essai est une tentative d’élucidation de la structure de cet imaginaire, en nous centrant d’abord sur l’analyse de la partie intitulée « La Maison natale », avant d’élargir nos résultats à l’ensemble de ces trois parties, qui présentent sur ce point une remarquable cohérence. Les Planches courbesd’Yves Bonnefoy sont inscrites au programme de littérature de la classe terminale de la série littéraire pour les deux années scolaires à venir. La barque est suggérée par la présence du nautonier. Le fleuve peut alors s’apparenter à l’un des fleuves des enfers, le Léthé, l’oubli et, a posteriori, le parallélisme avec Charron est établi. L’enfant rit, joue avec une grappe de raison. Il me semble que cette fulgurance de cette beauté est rencontrée presque par hasard, sur le chemin de l’espérance, dans les navigations en barque. » Que cette partie ait donné son nom au recueil souligne bien son importance. Le corpus : Attention ! Dans la lignée de notre lecture, il nous semble que cette figure mystérieuse pourrait être aussi l’enfant espérée. Il souligne le regard du père avec ce qui paraît inaccessible à son fils : « redressant/ Son regard vers l’inaccompli ou l’impossible. Ce serait enfin ignorer tout ce que Bonnefoy a expliqué ou écrit sur la poésie. » Le second, c’est la fin de la strophe, qui pose dans des termes eux-mêmes énigmatiques, la question du mystère de la conception : « l’enfant.... Nous regardant avec la gaucherie /De l’esprit qui reprend à son origine / Sa tâche de lumière dans l’énigme. L’enfant du poème représenterait donc le poète jeune, et le passeur serait un père désiré, qui aurait les mêmes caractéristiques que son père réel. Dans sa quête, le récitant découvre la naissance de la beauté : des nageurs qui avancent pour se porter au secours des marins d’un bateau qui brûle au large. La poésie, à défaut de faire découvrir les mots magiques de l’espérance, fait découvrir la beauté sur le chemin de l’espérance. Mais le voyage en barque est décevant, parce que la barque n’arrive nulle part, et que le langage et le monde ne sont pas adéquats l’un à l’autre. Lorsque cette signification sort de la représentation d’un univers peu ou prou réaliste, la tentation est grande de se réfugier loin de la signification des phrases, pour trouver asile dans la recherche des évocations thématiques. Or, ces premiers contacts se font au collège soit, dans le cas de notre poète, à l’âge de l’éloignement définitif de son père. Cette poésie de l’espérance s’articule à deux niveaux : la poésie de l’espérance déçue, et celle de l’espérance comblée. Ce poème fait donc signe vers un autre imaginaire du poète, un imaginaire terrestre, qui est plus développé dans d’autres parties du recueil, et notamment dans la dernière « Jeter des Pierres » [12]. Elle ne fait pas seulement signe, elle signifie. Strophe II : « Et le rossignol chante... », Le rossignol qui chante alors renvoie à Ulysse dans son île. Y voir la simple expression d’une censure psychologique interdisant en fait au poète de comprendre que le mystère de la procréation est lié à des mots perdus à cause du décès du père ferait perdre à la réflexion d’Yves Bonnefoy sa valeur universelle. Tous les deux s’embarquent alors, mais la barque sombre progressivement ; alors, l’enfant et l’homme nagent, le premier accroché au cou du second. Notre analyse prend comme point de départ la partie du recueil intitulée « La Maison natale. ». 4 Hélène Maury, née en 1889 à Ambeyrac dans l’Aveyron, fut infirmière, puis institutrice comme son père. Commande ton devoir, sur mesure ! En cliquant sur OK, vous acceptez que Pimido.com utilise des cookies ou une technologie équivalente pour stocker et/ou accéder à des informations sur votre appareil. Mais il y rajoute quelque chose comme un thème, ou un accompagnement en faux-bourdon. Le voyage dans l’au-delà ne serait qu’illusion. Les Planches courbes Essai sur la structure de l’imaginaire, Contextualisations, histoire littéraire et parcours, Ressources numériques : contextualisation et prolongements, Travaux de contextualisation ou de prolongements, S’approprier les œuvres au programme de Première, Exemples de travaux en interdisciplinarité, PETIET Philippe, Professeur agrégé de Lettres modernes, Lycée Joliot-Curie - Nanterre, Situation d’Yves Bonnefoy dans la poésie d’après 1945, Trois études : la voix lointaine, la maison natale, les planches courbes. Pour des raisons d’esthétique qu’autorise la référence à l’Odyssée, nous parlerons de deux chants. Ce premier niveau est absent du chant I. C’est un niveau d’en-deça de la poésie, pour Yves Bonnefoy. Car ce qui intéresse fondamentalement le poète, c’est à l’inverse de la parole disloquée qui désespère, « la voix qui espère. Des saules aux fruits morts et de hauts peupliers. Quantité disponible : 1. D’abord, ce serait douter de l’intelligence et de l’autonomie personnelle du poète. Ce schéma trouve une ampleur plus grande encore dans le long poème en prose, qui s’apparente à une légende, et qui constitue la partie intitulée « Les Planches Courbes. » Grammaticalement, cet emploi du conditionnel est celui d’un irréel du présent. » Elle est un chant de l’espérance qui cherche à retrouver les mots perdus, des « Cris d’appel au travers des mots » pour pouvoir « renaître. Prière au rêve pour que les désirs soient exaucés. Ensuite, ce qui est du rêve précédent s’efface « La voix que j’écoute se perd. Nous pensons que cet enfant, c’est celui du poète, celui qu’il a enfin pu concevoir, car il a retrouvé son père qui lui a transmis les paroles de la fertilité. La prière exaucée ; le désir comblé. N.B. Dans cet atterrage, on ne sait pas quelles sont ces mains qui prennent l’amarre jetée. On retrouve là les deux thèmes qui étaient dissociés dans les poèmes VII et VIII. La poésie est donc ce mouvement même de l’espérance : chanter le succès ou la frustration de son désir, l’un ou l’autre, c’est être poète. Il nous faut d’abord dire un petit mot sur l’a priori essentiel de notre méthode d’analyse. Là encore, il y a confirmation de la liaison entre la mort du père dans l’éloignement de la rive et l’espérance d’avoir des enfants, mais ces enfants sont définitivement « loin. Le poème XI reprend une image nautique : un navire prend feu au large, et des nageurs portant des lumières qui se précipitent à la rescousse, représentent « La beauté même, en son lieu de naissance,/ Quand elle n’est encore que vérité. On retrouve ici tous les thèmes de la figure du père déjà évoquée. Si elle donne quelque chose comme le thème en musique, elle ne rend compte ni de l’accompagnement, ni des variations, ni des transcriptions, ni des instruments, ni des interprètes. Nombre de ses textes sont à … La barque dans laquelle le poète a pris place est la poésie, puisque nous avons le possessif à la deuxième personne : « ta barque. Post scriptum Aucun dogmatisme ne doit entraver une libre recherche. La strophe VII du chant II est l’écho de la première moitié de la strophe VI du premier chant. Yves Bonnefoy. apprendre. Jehan-Rictus Les soliloques du pauvre suivi de … Le « je » n’arrive plus à entendre la voix qui s’éloigne (vers 116-117). J.-C.) - Une scène de stratagème, Le Procès - Franz Kafka (1925) - Résumé et analyse, Art - Yasmina Reza (1994) - Questions autour de l'oeuvre, Conditions générales & politique de confidentialité. Or un petit garçon attend de son père qu’il lui transmette le pouvoir de savoir faire des enfants avec une femme. Strophe VI : « Et c’est vrai que la poésie... ». L’étoile est le signe de la beauté. Yves Bonnefoy, « Les rainettes, le soir », I, dans Les planches courbes, dans l’édition de poche de la collection « Poésie/Gallimard », Paris, 2003-2005, p. 11 (première édition, Mercure de France, 2001). II) Les Souvenirs, nature et signification Des souvenirs qui ressemblent à des rêves : imprécision, signification symbolique, autant de marques qui renvoient à la difficulté de l'écriture autobiographique. Tel lecteur imbécile pourrait croire que le but de cet article serait de « réduire » les poèmes étudiés de Yves Bonnefoy à la simple expression d’un désir enfantin frustré. [4] En effet, la notion de strophe suppose une régularité, que le texte ne présente pas. ". Trois sections ont été choisies dans le recueil : « Dans le leurre des mots », « La maison natale », « Les planches courbes » (pp. » Cela s’assimile bien à une évocation de la petite enfance. Cette strophe décrit la beauté de la traversée pour une fois réussie. Cet Ulysse a deux traits du père ; il est au-delà de l’eau, et il est fatigué : « sa tête lasse. Contrairement à Rousseau, ne donne pas à son livre ce statut. Cette étude n’est pas en effet elle-même sa propre fin. 70- 103)1. Or, pour cet enfant, ce sont les mots échangés qui sont la clé du mystère de la procréation : « Il sait que l’on peut naître de ces mots. Et c’est bien parce que notre hypothèse nous paraissait partout solidifier le terrain sous nos pas sans trouver de contradiction textuelle que nous l’avons en définitive adoptée. Le poème IX le confronte à la « nostalgie », lorsque l’enfant se sentait exilé de la présence maternelle « Qu’avais-je eu, en effet, à recueillir de l’évasive présence maternelle Sinon le sentiment de l’exil et des larmes. Voir précisément dans cet ouvrage le poème en prose ; 47 Ibid., p. 78. L’éloignement du fils, la pièce sombre, donne à cet échange une apparence de mystère. Or cela serait aller exactement en direction opposée à celle de l’auteur. La Découverte, n° 46 ; Paris, 1982) C’est nous qui soulignons. » à rapprocher du « Débordants de choses fermées » dans « le Leurre des Mots » (chant I, strophe III). Navigation. VI, VII & VIII : 3ème niveau du rêve. Le premier niveau de la langue est celui de la réalité désespérante, et qui est présent dans la strophe I de ce second chant. Odyssée, chant X, vers 496. Cherchez cette citation sur Google Livre. Yves Bonnefoy, "Les Planches Courbes" Télécharger . », A l’intérieur de la partie « La Maison natale », le thème du voyage en barque est présent dans le poème V. L’éloignement de la rive lové dans une barque ressemblerait bien à une recherche pour retrouver le père, là où il s’est absenté. Et je dois dire que j’ai en effet trouvé une clé à mettre dans la serrure, et que le paysage qui se révélait une fois la porte entrouverte était bien plus beau que celui entraperçu au-delà du seuil. A cette hypothèse espérée, les vers 35 à 38 opposent de manière abrupte la réalité de ce périple, tel qu’il est vécu par le narrateur, grâce à un nous qui fait ici irruption : Nous sommes des navires lourds de nous-mêmes, Comment quête poétique et réflexion sur le langage s'interpénètrent-ils? Ces deux strophes reprennent donc l’imaginaire du chant I, dans les strophes du premier niveau du songe, dans lequel la barque et l’espérance se disloquaient. Retour brutal à la réalité, c’est à dire, en fait, au niveau du premier voyage en barque. Mais celle-ci sont trompeuses. » Si notre hypothèse de lecture est bonne, « l’autre » pourrait avoir une double signification. Donne sur un pêcher qui ne grandit pas. Et cette mort à la couleur des enfants. Image, G.AdC. La barque de la poésie naviguerait alors sur l’eau de l’espérance. L’âge et la maladie ont d’ailleurs progressivement dû augmenter cette impression de fatigue, avant que le père d’Yves ne meure, alors que son fils était âgé de quatorze ans. Il est fait allusion à un vendangeur sans visage. La finalité, ici, est de découvrir combien Yves Bonnefoy est authentique poète de lui-même et de la langue, pour apprécier toujours davantage la saveur de ces « cris d’appel à travers les mots. Strophe IV : « Je le fais, confiant que la mémoire... ». Synthèse dissertative sur le sujet : Le recueil d'Yves Bonnefoy, "Les Planches Courbes", est-il autobiographique ? Cours sur Les Planches Courbes 4/35 Le père d’ Yves Bonnefoy est ouvrier aux chemins de fer et il meurt en 1936. À la proue de notre périple toute une eau noire Une parole qui sait magistralement faire la place du sens et du chant s'élève, à la fois affirmée et … La première strophe du poème raconte un réveil dans un grenier d’église, après une nuit qu’on imagine avoir été une nuit d’amour. Encore vivant ? Cet effort d’intelligibilité est d’autant plus nécessaire que le lecteur est éloigné de l’univers du poète, et peu doué -ce qui est mon cas. Ce refus de faire la poésie du malheur, chose qui peut avoir sa parfaite légitimité, est motivé parce qu’une telle poésie se tiendrait « au rebord disloqué de la parole. Chaque chant est divisé en plusieurs laisses de vers, que nous appellerons strophes, bien que le terme ne soit pas absolument exact [4]. (Sans sur-interpréter le texte, on peut suggérer que cette culpabilité est liée au souvenir de l’échange du jeu de carte, tel qu’il est décrit dans la parenthèse du poème VII de « la Maison natale. Prennent part ainsi au voyage en barque Ulysse et le poète, mais aussi tout un chacun. Il demeure alors trois poèmes à éclairer dans cette partie « La maison natale » : les poèmes VI, IX et XI. L’espérance déçue est symbolisée par le naufrage de la barque, l’espérance comblée par son arrivée sur une autre rive, où l’attendent l’ombre de son père, l’enfant tant désiré, ou la naissance d’un feu nouveau. dans la barque, découvre que les mots sont décevants : « Pourquoi revoir, dehors,/ Les choses dont les mots me parlent, mais sans convaincre. Echoue là ton bateau, près des remous de l’Océan, C’est pourquoi, à notre sens, la partie « Dans le leurre des mots » n’est pas composée de deux poèmes, mais d’un poème en deux parties parallèles, comme par exemple le « Chant d’Automne » de Baudelaire. [/(Chant XI, vers 155-159) dans la suite du dialogue, Ulysse demande à sa mère des nouvelles de son père, de sa femme et de son fils. Ce monde idéal, ce rêve dans le rêve, est décrit dans les trois strophes suivantes, qui sont les trois strophes du paradis, et qui expriment donc l’espérance du poète. Celle-ci est décrite dans la strophe II comme l’expression de « la voix qui espère. Nous allons suivre cette odyssée strophe à strophe. L’espérance et le désir sont morts. Et d’une façon magnifique, le poète quitte l’enfant en s’endormant. Et surtout, elle est par nature trop simple pour rendre compte de la complexité de la vie. Viennent ensuite à partir de la ligne 29 des strophes qui représentent les souhaits d’Ulysse et ceux du poète. L’homme vient de rentrer du travail. Le troisième terme équivalent nous demeure énigmatique : « ces barrières qu’on pousse dans la pénombre. Ce serait se réfugier dans le confort intellectuel d’un Homais. Or voici comment se termine cette strophe : Je m’éveillais, et je me tourne encore Les Planches courbes (Source de la citation) Cherchez Yves Bonnefoy sur Amazon et Wikipédia. A la fin, l’enfant grandit et le passeur aussi. » Et l’on songe aussi aux « Stèles » de Victor Segalen. Cette grâce lui est accordée. Le « sans reproche » pose la question d’une faute antérieure, qui serait implicitement pardonnée. [1] Les quatre premiers poèmes commencent par « Je m’éveillai. Cela dit, on peut s’écarter sur tel et tel point de détail de la lecture proposée ici ; l’important nous paraît cependant être d’être d’accord sur la structure de l’ensemble. Pour les poèmes I et II, d’autres interprétations sont plausibles. Cette strophe nous introduit dans le monde du rêve, auquel sont attribuées des vertus alchimiques, dans une image très proche de la poésie surréaliste « L’or que nous demandons... à la transmutation des métaux du rêve. » Cette hypothèse d’un voyage dans « l’au-delà » [6]fait l’objet d’une interrogation : « est-ce possible, ou n’est-ce pas que l’illusoire encore ? Son désir d’être comme son père lui fait prendre son jeu [2]. Elle pourrait être l’amante, et à ce moment-là, l’amante avec le poète sont prometteurs de paternité ; elle pourrait être l’enfant espérée, et alors, l’autre est celle qui est promise. Mais, ce qui demeure caché aux yeux de tous les protagonistes, c’est que l’enfant désire apprendre les mots qui lui permettront d’être père à son tour. Pour le poète, la poésie est essentiellement liée à l’espérance. Ulysse verrait un autre rivage, « où seraient claires des ombres. Toute poésie dit, et se dit elle-même, dans la singularité du rapport des mots de tous -« les mots de la tribu » dont parlait Mallarmé - et de la personnalité particulière du poète. » Deux fumées se rencontrent sur une terre, au-delà du confluent du fleuve : l’amant et l’amante éprouveraient-ils le besoin de concevoir un enfant ? Mais le passeur et l’enfant se perdent dans la mer et dans l’oubli. ». mercredi 21 février 2007, par PETIET Philippe, Professeur agrégé de Lettres modernes, Lycée Joliot-Curie - Nanterre, Essai sur la structure de l’imaginaire dans Les Planches courbes d’Yves Bonnefoy. Le détache déjà de cette rive. [...] L'évasive présence maternelle (poème 9 de la «Maison natale Les premiers poèmes du recueil mettent en avant le sensible et le simple, dont le contact rappelle les premiers temps de l'enfance et la présence de la mère, ainsi trouve-t-t-on de nombreuses références aux sensations, à l'enfance [section la Maison natale, un ou deux exemples à commenter] Le père: il est évoqué dans les poèmes 7 et 8 de la Maison natale père ouvrier, marque par la tâche, que le fils aurait voulu plus proche, et dont l'amour d'enfant n'a pu se dire que maladroitement (voir, dans le poème la partie de cartes truquée). A son retour à la maison, on imagine assez facilement ce père aimé « abruti de fatigue », et se réfugiant dans un mutisme relatif, pour récupérer des efforts de la journée. Aussi, las de ces défaites, le voyageur prie pour que les contraires se réunifient, c’est à dire pour que ses désirs soient exaucés. On remarque que la demande de l’enfant au passeur pour qu’il soit son père est l’expression la plus forte du désir de l’enfant. Sa disparition le 1er juillet dernier ajoute à la stature, cette puissance d’au-delà, les derniers livres d’Yves Bonnefoy entérinent son absence. On repère donc déjà que différents éléments issus de notre analyse des poèmes VII et VIII se retrouvent de manière cohérente dans cette première partie du poème V. On retrouve ce schéma de façon très intéressante dans le poème X de la même partie. V : Passage dans le rêve (2ème niveau) dans lequel l'auteur vit sa propre expérience poétique, au passé comme au présent, tout en la racontant L'autobiographie serait donc le récit personnel, mais non référencé, d'une démarche poétique faite d'errance, d'hésitations, d'avancées lumineuses ou de retenues au bord du gouffre. Dès lors, le poète quête ces mots-là, en essayant de retrouver son père, sur une autre rive. Edité par Editions Hatier (2005) ISBN 10 : 2218750856 ISBN 13 : 9782218750854. ». Ici, nous nous gardons de l’identifier au père, car les indices textuels manquent, en tout cas dans les trois parties étudiées. Cette phrase possède 35 mots. » qui présente un parcours qui peut être assimilé à une autobiographie . Le premier chant raconte un voyage ou une quête. L’ensemble de la strophe est construit sur le mode impersonnel des verbes à l’infinitif. Charon ou Saint Christophe. Il me faut donc répondre aux objections que ma lecture -qui n’est exclusive d’aucune autre- pourrait soulever. Dès lors que c’est le substitut du père lui-même qui interdit de donner la vie, la seule solution est de mourir avec ce père, dans une mort qui est en même temps l’expression d’une tendresse infinie entre les deux. La fin de la strophe revient à Ulysse, qui envisage de partir alors pour un voyage, mais pour oublier les îles. De ces mots en inadéquation avec un réel prosaïque, il ne naît rien. A cette différence près que Charron ne meurt pas, alors que l’enfant et le passeur disparaissent ensemble. 'La pluie d'été Mais le plus cher mais non / Le moins cruel / De tous nos souvenirs, la pluie d'été / Soudaine, brève. Et le Cocyte issu des eaux du Styx ; S’ouvrir presque et se refuser, à jamais sans rive. [14] Par ailleurs, Yves Bonnefoy a confessé dans une allocution destinée à des professeurs combien avaient été importants pour lui les premiers contacts avec la poésie latine. » Dans cet éclairage, la barque est pour le poète le moyen d’aller à la recherche de son père. » Ce thème est surtout présent dans le poème VII, consacré au souvenir de son père. 5 Y. Bonnefoy, Les Planches courbes, Paris, Mercure de France, 2001, p. 93. ». La procréation, qui est l’objectif vital du petit garçon, est définitivement impossible : « Il faut oublier les mots ». C’est là l’expression la plus directe de l’échec du voyage. La première partie de cette strophe (du début jusqu’au point d’interrogation du vers 60) envisage l’hypothèse d’un voyage « au-delà ».. Voyons les verbes et leurs compléments les plus proches sémantiquement : « Aller ainsi ... au-delà des images... » ; « Aller ... à travers la beauté des souvenirs » ; « Aller, par au-delà presque le langage. Heureusement, le vingtième siècle nous a appris à analyser l’imaginaire à partir notamment du désir. Mais cette explication demeure secrète au poète. Deux faits nous paraissent ici étayer notre hypothèse. En effet, certains poèmes sont intitulés une pierre » dans la première partie. Le « nous » commence à rentrer dans l’eau, prêt en quelque sorte à recommencer cet inutile voyage. Dorénavant PC. Le passeur est représenté comme un « géant » ; ses mains sont « vastes », ce qui correspond bien à des images du père dans la petite enfance. Mes mots qui semblent ne parler que d’autre chose. [6] Nous parlons ici d’ « au-delà » en référence directe aux prépositions employées par monsieur Bonnefoy ; mais c’est bien évidemment pour nous une manière de souligner la proximité avec l’idée d’un au-delà, pays des morts, qui s’apparenterait à un enfer, au sens antique du terme, c’est-à-dire à un lieu de séjour des trépassés, sans connotation de récompense ou de punition éternelle.